vendredi 27 février 2015

Métamorphose de l'amante

Elle trône au premier rang des profils de patients pénibles, la mante. Cette mégère castratrice ne consulte jamais pour elle-même, mais accompagne systématiquement son mari, rebaptisé sans vergogne « Pupuce », « Bébé », ou « Trésor » devant toute la salle d'attente. Lui arrive le regard bas, la main molle. Il ne peut pas en placer une. Maman a préparé sa liste de plaintes, qu’elle débite comme chez l'épicier en affichant son sourire gênant, juste destiné à enrober une autorité déplacée. Elle vient scruter le poids sur la balance, elle tente de deviner à l’avance les chiffres tensionnels, elle déblatère pendant l’auscultation pulmonaire, elle suggère la prescription du haut de son Larousse médical. Et lui ne dit toujours rien ; ou s'il tente de lui couper la parole, son élan de rébellion sera vite écrasé sous un sarcasme qui se veut anodin mais en dit bien assez. Ce n’est plus une femme, c’est une infâme. J'abrège la consultation pour raccourcir le supplice - le mien, car celui du malheureux ne prendra fin que dans la tombe : la mante a naturellement une espérance de vie supérieure à celle de son conjoint.

Mantis religiosa

jeudi 26 février 2015

L'UP buissonnière

La vidéo qui suit est dédicacée à Monsieur Onfray. Chez Monsieur Onfray, on ne fraye pas avec la canaille. Monsieur Onfray est là pour nous dire ce qui est Bien et ce qui est Mal. Dans le couloir qui mène à sa classe, Monsieur Onfray nous a tous alignés et vérifie que nos mains sont bien propres, bien savonnées comme il nous l’a appris. Malheur au récalcitrant, qui prendra sur les doigts un coup de règle. Pas commode, sa règle. On l’appelle « l’Ethique ». Si vous avez de vilaines pensées, elle se chargera de vous rééduquer - en toute bonne conscience, hein, c’est juste qu’il faut un peu de discipline pour apprendre l’hédonisme qui fera de nous des gens heureux merci M’sieur ! 

La classe de Monsieur Onfray s’appelle l’UP : U comme « Université », pour bien montrer à tous les sorbonnards qu’on n’a pas besoin d’eux pour faire les choses sérieusement. Notre maître a tellement travaillé ; il a tout lu pour nous. Il se charge ensuite de nous inculquer son interprétation, qui est la seule valable, bien entendu. 
P pour « Populaire », comme dans « Révolution Populaire ». C’est si beau un peuple. Surtout en ce moment.

Mais voilà. Depuis quelque temps déjà je fais l’UP buissonnière. J’ai dans ma bibliothèque des livres où il ne faut pas plonger les yeux, car Monsieur Onfray les a mis à l’index. Mais quoi, quel plaisir que le style... Et quel style chez ceux qui nous disent que le monde n’est que ce qu’il est, que l’existence est absurde, et que les marchands de bonheur et de prêt-à-porter philosophique ne restent de tout temps que de vulgaires illusionnistes.

Cette vidéo, donc, est pour Monsieur Onfray. S’il avait été sur le plateau ou dans le public, il aurait sûrement fait un scandale face à cet aventurier-voyou qu’était Cizia Zykë. On l’aurait vu s’agiter, comme aujourd’hui les invités, les chroniqueurs et les animateurs suintant de moraline des talk-shows pour décérébrés cathodiques. Pivot aurait été cloué au pilori pour complaisance, coupable d’une interview restée civile malgré l’outrance des réponses. Et pourtant... Quel style, quelle gueule. Un baroudeur. Un tatoué. De toute évidence, l’aventure n’est pas faite pour les prêcheurs de vertu, les professionnels de l’indignation, les touristes innocents. 

Ne le dites pas à Monsieur Onfray : j’ai commandé le bouquin de Zykë. S’il est bon, je vous le prêterai. Sous le manteau.


dimanche 22 février 2015

A l'abri


Le rat de bibliothèque - Carl Spitzweg

"Déjà il rêvait à une thébaïde raffinée, à un désert confortable, à une arche immobile et tiède où il se réfugierait loin de l'incessant déluge de la sottise humaine."

Joris-Karl Huysmans, A rebours

jeudi 19 février 2015

Mon cher confrère

"Je soigne les gens parce que, quand ils sont malades, ils sont encore plus méchants."
Louis-Ferdinand Céline

lundi 16 février 2015

Banane




Récemment France Inter avait invité pour la énième fois l’Abbé Pierre Rabhi à vendre sa soupe. Comme d’habitude, les journalistes l’ont brossé dans le sens du poil sans émettre la moindre objection devant cet étalage de philosophie brouillonne et mystique qui part dans tous les sens, surtout le sens rétrograde. Comme d’habitude, ses disciples bobos-écolos qui pullulent autant que des micro-organismes sur un légume bio se sont manifestés pour dire que leur saint homme devait se déclarer candidat à la présidentielle - rien que ça. Et comme d’habitude je pouffais en écoutant ce blabla rédempteur du retour à la nature, cette pseudo-science agricole inefficiente, ce nouvel évangile post-moderne pour têtes creuses et chakras défoncés. 
Sur cette radio du Service Public, on ne laissera donc jamais la parole à un contradicteur raisonnable de cette imposture ; ce qui montre combien ce discours simpliste est dominant en ce moment, n’en déplaise à tous ses partisans qui aiment croire qu’ils sont une poignée de résistants hors du commun. Alors allez-y les mutins moutons, votez Pierre Rabhi, qui propose le modèle le plus obscurantiste, libéral et réactionnaire qui soit, dissimulé derrière un sermon "humaniste" néo-chrétien. Mais au lieu des lendemains qui chantent, vous aurez les hiers qui criaient famine. Et avant de vous convertir absolument au "local", n'oubliez pas de manger une dernière banane, car vous n’en reverrez plus.