Ce mardi matin, alors que j’ai préféré m’isoler des médias
pendant plusieurs jours de peur de subir une énième interprétation délirante du
réel façon Bernard Guetta et consorts, j’allume par ennui mon autoradio au feu rouge.
Je peste immédiatement en tombant sur une publicité, incident de plus en plus
fréquent mais toujours aussi navrant sur France Inter, station du service
public. Je patiente néanmoins, afin de connaître l’identité de l’invité.
Il s’agit de Bruno Le Maire, normalien, ancien ministre, et candidat aux
primaires de la droite et du centre. Le gars est assez jeune, et comme Emmanuel
Macron, nous fait le coup du renouveau dans le style de Giscard il y a quarante
ans. Lui aussi promet le changement, vieille habitude – le changement est la
promesse qui ne change jamais dans les discours électoraux. Vu que je n’ai que
ça à faire, je décide d’écouter en quoi son propos peut être original. Nous en
sommes à l’heure des appels d’auditeurs. Le premier se présente comme agriculteur,
mais pose une question qui n’a rien à voir avec sa profession. Cela n’empêche
pas Bruno Le Maire de débuter sa réponse ainsi : « je profite de
cette occasion pour saluer à travers vous tous mes amis agriculteurs ».
S’ensuit un blabla fiscal sans intérêt sur la TVA, les impôts et toutes sortes
de choses que les gens s’imaginent décisives pour orienter leur vote et faire
une différence entre ce qui est "de droite" et ce qui est "de gauche", alors que les propositions de toute la classe politique
sur ces sujets, comme d’ailleurs sur le reste (hormis quelques polémiques sociétales
de diversion), ne sont que des aménagements mineurs et consensuels dans la
matrice définie par le capitalisme. Bref, on passe à l’auditeur suivant. La
question et la réaction seront là encore sans aucune valeur, mais le type
téléphone depuis l’île de la Réunion et je me demande si ce nouveau détail,
manière d’attribuer au moins quelques miettes à l’électeur dans cette grande
mascarade de personnalisation qu’est la démocratie représentative, sera relevé
par le politicien. Bingo : « J’en profite, David, pour saluer tous
mes amis de la Réunion ». Je lâche une seconde
le volant pour applaudir. Le troisième intervenant trié par le standard s’adresse
à l’invité en l’appelant "Monsieur le Ministre", selon cette
convention qui veut qu’une personne ayant été ministre soit nommée ainsi pour
le restant de ses jours. Aussitôt, le candidat du renouveau lui coupe la
parole : « oh vous savez, je préfèrerais largement Bruno. Appelez-moi
Bruno ».
Une journée de consultations m’attend, et j’ai déjà mon
compte d’histrionisme. J’éteins la radio : à choisir, mieux vaut l’ennui
que la bile.
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